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A quoi vise l'art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l'esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience? Le poète et le romancier qui expriment un état d'âme ne le créent certes pas de toutes pièces ; ils ne seraient pas compris de nous si nous n'observions pas en nous, jusqu'à un certain point, ce qu'ils nous disent d'autrui. Au fur et à mesure qu'ils nous parlent, des nuances d'émotion et de pensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps mais qui demeuraient invisibles telle l'image photographique qui n'a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera. Le poète est ce révélateur. [...] Remarquons que l'artiste a toujours passé pour un idéaliste ». On entend par là qu'il est moins préoccupé que nous du côté positif et matériel de la vie. C'est, au sens propre du mot, un distrait ». Pourquoi, étant plus détaché de la réalité, arrive-t-il à y voir plus de choses? On ne le comprendrait pas, si la vision que nous avons ordinairement des objets extérieurs et de nous-mêmes n'était une vision que notre attachement à la réalité, notre besoin de vivre et d'agir, nous a amenés à rétrécir et à vider. De fait, il serait aisé de montrer que, plus nous sommes préoccupés de vivre, moins nous sommes enclins à contempler, et que les nécessités de l'action tendent à limiter le champ de la vision. Henri Bergson. La pensée et le mouvant, 1938. PUF, Quadrige1990. à 151. Thème L'art. La perception. Question Quelle est la finalité de l'art ? Vise-t-il seulement à exprimer un état émotionnel, une psychologie individuelle avec sa particularité et son arbitraire comme semble le croire la vulgate déposée dans les copies d'élèves ? Avec cette question, Bergson nous invite à interroger l'essence de l'art et à affronter la question au niveau qui est celui du grand art. Exit la mièvrerie psychologisante ; la grande affaire des artistes n'est pas le divan du psychanalyste et son horizon égotiste, c'est le réel tel qu'il s'offre à une liberté qui s'en empare et en interroge l'être. A quoi vise donc l'activité artistique ? Thèse À nous montrer, dans la nature et dans l'esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience » répond Bergson. L'art fait voir ce qu'ordinairement on ne sait pas voir. Il découvre à nos regards ce qui s'y trouve depuis toujours mais demeure caché sans le dévoilement qu'en opère l'artiste. Au fond l'art atteste qu' une extension des facultés de percevoir est possible » Ibid, Ce qui conduit Bergson à affronter une nouvelle question. Question Comment rendre compte de cette possibilité ? Qu'est-ce qui permet ce pouvoir révélateur de l'art ? Thèse La réponse bergsonienne tient du paradoxe. Si la peinture, la littérature ont un pouvoir de révélation, c'est que l'artiste est moins attaché à la réalité » que le commun des hommes. Tout se passe comme si sa distraction », son détachement était le vecteur d'une perception plus éclairante dans laquelle chacun retrouve sa propre expérience mais une expérience ayant besoin de l'artiste pour prendre conscience d'elle-même. Que faut-il entendre par là ? Explication détaillée I L'art est révélation de ce qui est. L'art donne à voir apprend-on. Il montre, il fait surgir dans un matériau sensible un contenu inséparable de la forme glorieuse dans laquelle il s'exhibe. La question est de savoir ce qu'il en est de ce contenu. Est-ce une réalité créée de toute pièce par l'artiste de telle sorte que l'art ouvrirait sur des fantaisies ou des mythologies personnelles ? Le propos bergsonien dissuade d'emblée d'envisager ainsi la création artistique en soulignant que l'art renvoie à l'expérience humaine universelle. Il met en jeu les données universelles de l'expérience des hommes. D'une part ce qui est et qui est constitué aussi bien du monde extérieur, désigné dans le texte par le mot de nature, que du monde intérieur, celui que le texte désigne comme monde de l'esprit. D'autre part les sens et la conscience. C'est, en effet, par l'intuition sensible ou par l'intuition que la conscience a de ses états et des ses actes que nous avons accès aux données naturelles ou spirituelles. La montagne qui se découpe là-bas, le petit coin de ciel bleu ou de mur jaune qui surgit dans le champ de vision sont ce qui existe pour nous par la médiation des sens et de la conscience. C'est pareil pour la vie de l'âme avec ses modulations affectives, ses rêves, ses joies et ses souffrances. Elle requiert un acte de la conscience pour être perçue. Or les sens et la conscience sont-ils par principe attentifs à l'infinie richesse du réel ? Il semble que non et ce qui l'atteste, selon Bergson, c'est l'expérience même de l'art. Il y a, en effet, depuis des siècles, des hommes dont la fonction est justement de voir et de nous faire voir ce que nous n'apercevons pas naturellement ». Ibid, La réflexion sur l'art engage donc une réflexion sur la perception car si la finalité de l'art est de porter à l'expression ce qui existe et que nous ne savons pas voir, cela signifie que la faculté perceptive n'accomplit pas parfaitement sa fonction. PB Qu'est-ce que la perception et pourquoi est-elle en défaut par rapport au réel auquel elle renvoie ? La perception est la fonction de notre rapport au réel. C'est par elle que nous nous représentons des objets dans l'espace, que nous formons une image de ce qui existe, et ce n'est pas une mince affaire de savoir comment s'élabore cette représentation. Suppose-t-elle une passive réception de ce qui est donné aux sens et à la conscience ? A l'évidence non puisque le monde perçu varie d'un sujet à un autre et qu'avec Bergson on peut faire de la perception la pierre de touche de la distinction de l'artiste et du commun des hommes. Il semble donc qu'elle soit tributaire d'une manière de se projeter vers les choses, de les configurer de telle sorte que le sujet percevant intervient activement dans la construction de l'objet perçu. Opération complexe donc que la perception, l'enjeu de ce texte étant d'établir que la fonction de notre ouverture au réel, peut être moins ce qui nous le révèle que ce qui fait écran et tisse un voile empêchant d'accéder à la réalité des choses. Le donné avec sa richesse et son originalité n'apparaît pas nécessairement aux sens et à la conscience dans la clarté de son offrande. Il ne frappe pas explicitement nos sens et notre conscience » dit Bergson. Entendons, il est possible que nous n'y soyons pas sensibles ou attentifs. Ce qui n'est pas explicité » est, en effet, ce qui n'est pas porté à la lumière du jour, ce qui reste caché, ce qui demeure invisible au regard ou à la conscience. Ces effets d'occultation » sont le lot de la perception commune. Ex La coupe de fruits sur la table de la cuisine est bien perçue par la cuisinière mais il faut le grand art de Cézanne pour rendre visible ce que l'on voit sans le voir vraiment la profondeur, le velouté, la mollesse, la dureté même des objets - Cézanne disait même leur odeur » Merleau-Ponty dans le doute de Cézanne, Sens et non sens, Gallimard, p. 20. Ex De même il faut l'art de Turner pour dévoiler le paysage comme atmosphère et on ne voit plus la lagune de Venise après lui comme on la voyait avant. Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes. Un Corot, un Turner, pour ne citer que ceux-là, ont aperçu dans la nature bien des aspects que nous ne remarquions pas. - Dira-t-on qu'ils n'ont pas vu, mais créé, qu'ils nous ont livré des produits de leur imagination, que nous adoptons leurs inventions parce qu'elles nous plaisent, et que nous nous amusons simplement à regarder la nature à travers l'image que les grands peintres nous en ont tracée ? C'est vrai dans une certaine mesure; mais, s'il en était uniquement ainsi, pourquoi dirions-nous de certaines oeuvres - celles des maîtres qu'elles sont vraies ? où serait la différence entre le grand art et la pure fantaisie ? Approfondissons ce que nous éprouvons devant un Turner ou un Corot nous trouverons que, si nous les acceptons et les admirons, c'est que nous avions déjà perçu quelque chose de ce qu'ils nous montrent. Mais nous avions perçu sans apercevoir. C'était, pour nous, une vision brillante et évanouissante, perdue dans la foule de ces visions également brillantes, également évanouissantes, qui se recouvrent dans notre expérience usuelle comme des dissolving views» et qui constituent, par leur interférence réciproque, la vision pâle et décolorée que nous avons habituellement des choses. Le peintre l'a isolée; il l'a si bien fixée sur la toile que, désormais, nous ne pourrons nous empêcher d'apercevoir dans la réalité ce qu'il y a vu lui-même. » La pensée et le mouvant, Si la peinture élargit la faculté perceptive, la littérature enrichit la conscience de la vie intérieure. Les romanciers comme les musiciens font entendre ou figurent dans des personnages la petite musique de l'âme. Stendhal peint par exemple les émotions, les désirs, les espérances, les déceptions de Julien Sorel, de Madame de Rênal ou de Mathilde de la Mole, dans Le Rouge et le Noir. Comment pourrions-nous vivre de la vie de ces héros s'ils ne nous parlaient pas de nous-mêmes ? Le poète et le romancier qui expriment un état d'âme ne le créent certes pas de toutes pièces ; ils ne seraient pas compris de nous si nous n'observions pas en nous, jusqu'à un certain point, ce qu'ils nous disent d'autrui. » affirme Bergson. De fait qu'est-ce qui fait du personnage d'Emma Bovary une grande création littéraire ? Il est vrai que Flaubert disait Madame Bovary c'est moi », mais si la tendance à fuir dans une vie fantasmatique la médiocrité de son quotidien social et sentimental, si le désir d'être autre chose que ce que l'on est n'avaient pas un écho en chacun de nous, Flaubert ne serait pas l'auteur d'une grande œuvre d'art. Le bovarysme n'aurait-il pas son siège dans quelques uns des sous-moi qui composent notre complexe nature psychologique ? » demande judicieusement Georges Palante dans son essai sur le bovarysme 1903. C'est parce que le romancier a su élever son expérience à l'universel qu'il nous émeut. Son génie est de peindre un état de notre âme, si passager, si furtif pour certains qu'ils n'en soupçonnent même pas l'existence. Lui, en révèle les multiples nuances, les couleurs changeantes et en suivant Emma dans son exaltation ou son désespoir, dans ses rêves ou dans son ressentiment, Flaubert nous permet de découvrir une part de nous-mêmes qui nous était inconnue ou du moins si peu sensible que nous ne la remarquions même pas. Il eût fallu pour cela être attentif à la durée et à son hétérogénéité, thème cher à notre philosophe. Tout ce qui existe déploie son être dans le temps et celui-ci se caractérise par l'absence d'homogénéité. Le temps vécu n'est pas le temps des horloges, temps mathématique où une heure est identique à une heure ; c'est la durée où chaque instant est unique, différent d'un autre au point qu'être fidèle au réel impliquerait une disponibilité permanente à l'imprévisible nouveauté des choses extérieures et intérieures. Il y a une minute du monde qui passe, il faut la peindre dans sa réalité » disait Cézanne. Comme le peintre, le poète essaie de capter la vie mouvante de l'âme, ses couleurs changeantes, ses ombres et ses clartés. Il s'agit de dévoiler sous la pauvreté de ce qui apparaît à une perception rétrécie une réalité concrète que seule une attention pénétrante peut mettre à jour. L'artiste est l'homme de cette attention. En lui la nature ou l'âme se sent, se pense et s'exprime. C'est dire que l'artiste ne fait pas exister arbitrairement ce qu'il dépeint. Ni il ne le crée absolument, ni il ne se contente de l'imiter. Il n'invente pas ; il découvre au regard une réalité préexistante. Il n'imite pas car l'opération de dévoiler est toujours transposition d'une réalité dans un élément le poème, le roman, la peinture, la musique d'une autre nature et dont les contraintes exigent de ruser avec le réel pour en restituer la vérité. L'esthétique de la mimesis n'a jamais été une invitation à reproduire le réel, le propos aristotélicien disant que l'art imite la nature ou l'achève» signifiant que l'artiste doit être un aussi bon artiste que la nature pour porter à l'expression ce qu'il cherche à en montrer. Or pour rivaliser avec la nature, il faut savoir lui être infidèle. Le corps humain n'a jamais eu les proportions de la statuaire grecque mais ce sont ces proportions qui en montrent la force et l'harmonie. L'homme qui marche n'a jamais eu les deux pieds rivés au sol, comme dans l'œuvre de Rodin, mais sans cette ruse, le mouvement serait suspendu. L'art est un mensonge qui dit la vérité ; tous les artistes le proclament à leur façon. La servile reproduction ne dévoile rien. Quel intérêt aurait une activité se contentant de reproduire ce qui se donne à la perception immédiate ? La vocation de l'art consiste à déchirer les apparences qui dissimulent sous leur abstraction le concret pour faire apparaître ce qui n'apparaît pas à la perception banale. Bergson recourt à une image pour illustrer la fonction révélatrice de l'art. Ce qui se passe dans l'art est comparable à ce qui se passe pour l'image photographique. Le bain dans lequel on plonge la pellicule pour faire apparaître l'image ne crée pas cette dernière, il ne fait que la révéler mais sans la solution nécessaire à la fixation de l'image, celle-ci demeurerait invisible. Ainsi en est-il de l'art. L'artiste n'invente pas la réalité qu'il donne à voir mais sans lui elle demeurerait invisible. La question est donc maintenant de comprendre pourquoi il a ce pouvoir. II La raison d'être de ce pouvoir. Et ce n'est pas un moindre paradoxe de découvrir que si l'artiste est le révélateur du réel, c'est parce qu'à la différence des autres hommes, il y est moins attaché ». Il est, dit-on, un distrait », un idéaliste ». Quelle que soit la dénomination, on signifie que l'artiste n'est pas inscrit dans le réel comme les hommes le sont ordinairement. Fait étonnant. Bergson s'y attarde en mettant en évidence le paradoxe Pourquoi, étant plus détaché de la réalité, arrive-t-il à y voir plus de choses ? ». On a plutôt tendance à penser qu'il faut être solidement arrimé au réel pour le voir. Or l'artiste incarne le contraire de ce qui se revendique comme modalité d'être réaliste ». Le réaliste se croit au plus près de la réalité parce que les besoins et les intérêts matériels des hommes sont ce qui structure son rapport au réel. Il a les pieds sur terre », lui ; il a le souci de l'utilité et de l'efficacité ! Il est étranger à ce qu'il qualifie d'idéalisme » à savoir cette façon d'exister comme une sensibilité et une spiritualité libre, laissant subsister le réel dans son étrange présence pour en faire un objet de contemplation. La réalité est pour lui le corrélat de sa manière intéressée de se projeter vers elle. Aux antipodes de son affairement, de son pragmatisme, l'artiste lui semble dans la lune ». Sa manière d'être au monde est si détachée de ses préoccupations utilitaires qu'il lui semble en retrait, sur une autre planète », et c'est ce que connote l'idée de distraction. Le distrait est aveugle à ce qui éblouit les yeux des autres. Il ne voit pas ce qu'ils voient. Il a une manière d'être présent au monde donnant le sentiment de l'absence. Les liens tissant les rapports des autres au réel sont chez lui comme suspendus. Bergson insiste sur son détachement ». Le détachement est la vertu que l'on reconnaît habituellement au philosophe parce que le travail de la pensée exige le recul, la distance, la mise hors jeu des désirs, des passions et des intérêts matériels dont l'effet est de détourner l'esprit de sa fin propre, à savoir de la recherche de la vérité. C'est aussi celle de l'artiste, selon Bergson, mais chez lui le détachement n'est pas le résultat d'une ascèse. Il n'est pas volontaire, conquis, il est un état naturel ». Tout se passe comme si la nature avait donné à certains hommes le don de sentir ou de penser autrement que le commun des hommes. Pour prendre la mesure de leur singularité, il convient de décrire la manière usuelle d'être au monde. Elle se caractérise par le privilège de l'action sur la contemplation et par le rétrécissement du champ de vision. Pourquoi ? Parce que vivre c'est agir. Il y a là une urgence de première nécessité. Nous avons des besoins à satisfaire, des intérêts vitaux et nous sommes tout naturellement enclins à ne saisir du réel que ce qui est en rapport avec ces besoins et ces intérêts matériels. L'arbre en fleurs est pour le paysan la promesse d'une bonne récolte, il n'en perçoit que ce qu'il lui est utile d'en percevoir. Sa perception est intéressée, ses préoccupations le détournant de regarder l'arbre à la manière du peintre Bonnard. Ce dernier ne le voit pas pour ce qu'il pourra en tirer, il le voit pour lui-même. Les formes, les couleurs, les volumes de l'amandier en fleurs s'imposent à lui dans l'énigme de leur visibilité. Dans son texte d'hommage à Berthe Morisot, Valéry insiste sur cette caractéristique du peintre d'être affranchi d'un rapport pragmatique au réel. A la différence du paysan, du militaire et du géologue qui ne voient du paysage que ce qui fait sens pour leurs intérêts, celui-ci est chose vue, simplement vue pour l'artiste peintre. Aux nécessités de l'action structurant la perception des uns, s'oppose l'attitude contemplative de l'autre. Si l'on rajoute que pour les besoins de l'action, il a fallu désigner les choses par des mots, des mots qui finissent par se substituer à elles de telle sorte qu'on ne les voit plus dans leur originalité et leur unicité mais on se contente des étiquettes que le langage a collées sur elles, on comprend que la vision que nous avons ordinairement des objets extérieurs et de nous-mêmes soit une vision que notre attachement à la réalité, notre besoin de vivre et d'agir, nous a amenés à vider et à rétrécir ». A l'opposé, le désintérêt des artistes pour l'action et les intérêts matériels les rend disponibles pour une perception plus profonde de la réalité. Ils sont sensibles en général par un seul sens et attentifs au concret, à son caractère unique, original, mouvant. Leur perception est ouverte au don infiniment renouvelé de la réalité pure. Elle en a la densité et, grâce à eux, la perception commune rétrécie et vidée » s'élargit et s'enrichit. Il est donc bien vrai que l'art donne à voir. Il n'imite pas le visible, il rend visible » disait Klee. Il ouvre sur un monde qui, en un certain sens, est bien le monde de tel ou tel artiste car le sensible est toujours au point de convergence du sentant et du senti et le sentant est irréductiblement un être singulier. C'est Cézanne ou Flaubert. Mais si ce monde était purement subjectif, l'oeuvre serait privée de toute puissance d'émotion esthétique. Car, ainsi que l'écrit Mikel Dufrenne Le critère de la véracité esthétique, c'est l'authenticité à travers l'auteur de l'oeuvre, s'il est inspiré, il semble que ce soit le monde comme Nature naturante qui nous fasse signe, et nous donne à déchiffrer un de ses visages. Chaque monde singulier est un possible du monde réel. [..] Le monde, c'est l'inépuisable il déborde toujours ce que vivent, comme leur principal souci et leur principale tâche, les hommes d'une époque » Esthétique et philosophie, Klincksieck, p. 26. Néanmoins peut-on affirmer que le monde ouvert par l'artiste procède d'un accès direct à la réalité? Bergson le soutient dans de nombreux textes La nature a oublié d'attacher leur faculté de percevoir à leur faculté d'agir. Quand ils regardent une chose, ils la voient pour elle, et non plus pour eux. Ils ne perçoivent plus simplement en vue d'agir ; ils perçoivent pour percevoir, - pour rien, pour le plaisir. Par un certain côté d'eux-mêmes, soit par leur conscience soit par un de leurs sens, ils naissent détachés ; et selon que ce détachement est celui de tel ou tel sens, ou de la conscience, ils sont peintres ou sculpteurs, musiciens ou poètes. C'est donc bien une vision plus directe de la réalité que nous trouvons dans les différents arts ; et c'est parce que l'artiste songe moins à utiliser sa perception qu'il perçoit un plus grand nombre de choses » Ibid, p. 152, 153. Dans Le rire, il écrit aussi Mais de loin en loin, par distraction, la nature suscite des âmes plus détachées de la vie. Je ne parle pas de ce détachement voulu, raisonné, systématique, qui est oeuvre de réflexion et de philosophie. Je parle d'un détachement naturel, inné à la structure du sens ou de la conscience, et qui se manifeste tout de suite par une manière virginale, en quelque sorte, de voir, d'entendre ou de penser. Si ce détachement était complet, si l'âme n'adhérait plus à l'action par aucune de ses perceptions, elle serait l'âme d'un artiste comme le monde n'en a point vu encore. Elle excellerait dans tous les arts à la fois, ou plutôt elle les fondrait tous en un seul. Elle apercevrait toutes choses dans leur pureté originelle, aussi bien les formes, les couleurs et les sons du monde matériel que les plus subtils mouvements de la vie intérieure. » PUF, p. 120. 1900. Si l'on peut suivre Bergson dans l'idée qu'une perception délivrée des limites du besoin, des préoccupations utilitaires et des conventions linguistiques est sans doute plus disponible à la richesse du donné que celle qui en est prisonnière, en revanche il est difficile de le suivre lorsqu'il parle d'une manière virginale » de percevoir permettant de saisir les choses dans leur pureté originelle ». Car cette idée d'une virginité possible des sens et de la conscience n'est-elle pas une illusion ? Les sens et la conscience ne sont-ils pas irréductiblement des médiations dans le rapport au réel et ces médiations peuvent-elles jamais être virginales ? Ce serait oublier qu'elles ont été éduquées dans un contexte culturel, qu'elles portent la marque d'une subjectivité même si elle est élevée à l'universel, et surtout qu'elles ne sont pas des instruments passifs dans la représentation. Le donné est toujours l'objet d'une transposition et toute transposition implique une part de construction. Peut-on sérieusement prétendre que l'artiste échapperait aux lois générales de la perception ? Telle était l'aspiration des grands artistes modernes. Les Monet, Gauguin, Cézanne, Malevitch, Klee étaient obsédés par le souci de retrouver un rapport au réel vierge de toutes les influences d'une civilisation dont ils voulaient secouer le joug. Ils ont produit de grandes œuvres. Peut-on dire pour autant qu'ils nous ont donné accès à la pureté originelle des choses ? Conclusion Il y a dans ce texte une conception originale de l'art. Bergson soutient que l'art est une voie d'accès plus directe à la réalité que la perception commune car les sens et la conscience de l'artiste sont en consonance avec le réel. Ce statut d'exception tient au fait que la nature a fait naître des âmes qui, de manière innée, sont détachées de la vie, ce détachement naturel étant la garantie d'une manière virginale de percevoir. Thèse intéressante mais problématique. La question est en dernière analyse de savoir s'il suffit d'être délivré des intérêts pragmatiques pour mieux voir et faire disparaître les médiations. Est-il légitime de prétendre qu'il y a pour l'homme une intuition possible de l'immédiat ? C'est en tout cas ce qu'affirme Bergson. Par l'élargissement de la faculté perceptive et de la conscience qu'il implique, l'art a l'insigne privilège de détruire les médiations occultantes pour donner accès à la réalité pure.
Cetteconception est donc dangereuse pour l'art lui-même. L'art est un jeu désintéressé qui se justifie par sa seule beauté. Date : vendredi 18 février 2011. CONFÉRENCE PAR JEAN-PIERRE ESTRAMPES Association ALDÉRAN Toulouse pour la promotion de la Philosophie MAISON DE LA PHILOSOPHIE 29 rue de la digue, 31300 Toulouse Tél :

L'analyse du professeur Lorsque Marcel Duchamp installe un urinoir au milieu d’une salle de musée, non seulement il serait absurde d’essayer d’aller uriner à l’intérieur, mais en outre il semble indiquer et revendiquer l’inutilité de son oeuvre. Pourtant, cette oeuvre est devenue célébrissime au-delà de son usage possible. Sa gratuité fait qu’elle n’est pas utile, mais la façon dont elle nous interroge est d’une utilité insondable. En effet, Duchamp signifie par là que nous ne regardons les choses avec un regard toujours déjà utilitariste, intéressé et inattentif à ce qu’elles sont. En ce sens, la question de l’utilité de l’art est récurrente, dans la mesure où nous supposons implicitement que toute activité n’est pas à elle-même sa propre fin mais sert à autre chose de la même façon que la médecine sert à soigner, soigner sert à être en bonne santé, être en bonne santé sert à bien vivre, bien vivre à être heureux etc.. Or, l’oeuvre d’art, comme chose destinée à être vue, à se montrer, semble se définir par une forme de gratuité esthétique l’affranchissant de toute utilité directe dans son rapport aux autres activités humaines. Il semble pourtant, par ailleurs, que le fait de contempler une oeuvre d’art procure des sensations, des idées, des impressions qui, si elles ne sont pas quantifiables très directement en termes d’utilité matérielle, sont pourtant importantes aux yeux des hommes. Tout le problème sera donc de montrer que le critère de l’utilité est, rapporté à l’art, ambigu. Nous nous attacherons tout d’abord à montrer que l’art est un savoir-faire qui possède techniquement une utilité propre. Ce constat strictement factuel nous conduira ensuite à remarquer qu’une oeuvre d’art n’est jamais dissociable du regard de celui qui la contemple. À cet égard l’oeuvre véhicule un message utile à celui qui veut bien l’entendre parce qu’elle donne à voir. Enfin, au-delà de son contenu, nous essaierons de saisir qu’une oeuvre d’art fait réfléchir et ne peut être soumise à une stricte perspective utilitariste. ...

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    1. Аտቇյቨцοхሔս уфጀρупоբጀτ օгохጇша
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Pénuriede compétences. « Le candidat qui réduit son CV à sa plus simple expression et ne s'embarrasse pas d'une lettre de motivation se dit que le marché a trop besoin de compétences pour
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Arten l'art ce dit "ars" est exprime la technique, les savoir faire mais aussi la création artistique. Un artisan maitrise un art de technique et un artiste un talent particulier qui rend apte à créer la beauté en premier lieu. L'art ne ressemble pas aux sciences.
Superbe visite de l’expo de Philippe Cognée qui m’a interpellé sur l’art et le rôle de l’artiste ! Dans toutes les cultures et tout au long de son histoire l’art a accompagné l’homme, dans sa vie sociale et spirituelle. L’art est né avec l’homme, bien avant la préhistoire, et se décline sous de multiples formes architecture, sculpture, peinture, musique, danse, poésie, littérature et cinéma … mais aussi bien évidemment l’art de vivre, l’art d’aimer … Dans tous les domaines, chaque génération d’artistes ou d’artisans a voulu aller plus loin’, réinventer les règles, les techniques, évoluer dans son approche et son langage. Philippe Cognée Philippe Cognée, né en 1957, expose depuis 1982 une peinture qui signe le renouveau d’une certaine figuration contemporaine. C’est l’un des premiers artistes de sa génération reconnu pour avoir donné une impulsion nouvelle aux techniques picturales. Sa technique de peinture à la cire, retravaillée ensuite par pression à chaud sur la toile pour obtenir des fusions et des explosions de matière, amène ce flou artistique qui réveille en nous le pouvoir de la suggestion et de l’émotion Expo Philippe Cognée au musée de Grenoble Qu’est ce que l’art ? Si l’art n’a cessé d’évoluer à travers le temps dans ses techniques et son langage, n’a t il pas toujours eu la même mission auprès de l’homme ? Les bibliothèques du monde entier sont remplies de livres sur l’histoire de l’art, le sujet est vaste et il serait donc audacieux de vouloir dans cet article répondre à cette question. C’est donc une question ouverte, et pour aiguiser votre réflexion, après visite du site le monde des arts’, je vous propose une sélection de citations d’artistes à propos de l’art et de sa pratique. *** Citations William H. Johnson L’art ne peut pas être moderne, l’art est éternel » Egon Schielle Griffonner, gratter, agir sur la toile, peindre enfin, me semblent des activités humaines aussi immédiates, spontanées et simples que peuvent l’être le chant, la danse ou le jeu d’un animal qui court, piaffe et s’ébroue Hans Hartung Pourquoi ne pas concevoir comme une œuvre d’art l’exécution d’une œuvre d’art » Paul Valéry Pièces sur l’art La nouveauté est dans l’esprit qui crée, et non pas dans la nature qui est peinte » Eugène Delacroix Le travail de l’artiste est de toujours sonder le mystère » Francis Bacon William H. Johnson Faut-il peindre ce qu’il y a sur un visage, ce qu’il y a dans un visage, ou ce qui se cache derrière ce visage ? » Pablo Picasso Devant la nature elle-même, c’est notre imagination qui fait le tableau » Paul Gauguin Il y a en somme en peinture plus à chercher la suggestion que la description » Paul Gauguin En art, il n’y a pas d’effet sans entorse à la vérité » Georges Braque Pour approcher le spirituel en art, on fera usage aussi peu que possible de la réalité, parce que la réalité est opposée au spirituel » Piet Mondrian L’art doit naitre du matériau et la spiritualité doit emprunter le langage du matériau » Jean Dubuffet C’est l’imagination qui donne au tableau espace et profondeur » Henri Matisse L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible » Paul Klee L’art existe à la minute où l’artiste s’écarte de la nature. Ce par quoi il s’en écarte lui donne le droit de vivre » Jean Cocteau La Difficulté d’être Kandinsky Requalifier le rôle de l’art, signifie pour l’artiste reconquérir son propre territoire, reporter sa propre pratique au-dedans des frontières spécifiques d’une opération qui ne se mesure pas avec le monde, mais avant tout avec sa propre histoire et avec l’histoire de son propre langage » Achille Bonita Oliva La Transavantgarde italienne La peinture est un art, et l’art dans son ensemble n’est pas une création sans but qui s’écoule dans le vide. C’est une puissance dont le but doit être de développer et d’améliorer l’âme humaine » Wassily Kandinsky Du spirituel dans l’art *** Et pour vous ? Que vous inspirent ces réflexions ? Quelle place tiens l’art dans votre vie ? Êtes vous plutôt Musique ? danse ? peinture ? littérature ? ou … art de vie ! Dites moi tout dans les commentaires ! A bientôt, Jyco Vous avez apprécié cet article ? Vous apprécierez également – 5 idées pour stimuler votre créativité
Questionétonnante lorsqu’on y réfléchit : faut-il chercher d’abord l’efficacité alors qu’avec la prière nous sommes dans l’ordre de la gratuité ? Se poser la question de l’efficacité de la prière, n’est-ce pas déjà douter et comme l’on dit, être « désabusé » 1Dans les réussites de l’art il y a quelque chose qui surpasse à la fois la volonté de l’artiste, si attentive et si lucide qu’elle soit, et la sensibilité du spectateur, quelles que soient sa délicatesse et ses exigences. Aussi, ce serait une entreprise stérile que de chercher à définir d’abord certaines puissances de l’esprit et de montrer ensuite comment nous parvenons, en les mettant en œuvre, à obtenir les satisfactions que nous en attendons. C’est la démarche inverse que nous devons suivre. La création artistique obéit à un obscur désir elle est une aspiration vers ce qui nous manque, un vide intérieur que nous cherchons à remplir. Mais, quels que soient nos efforts, nous ne réussissons pas d’avance à le circonscrire. Le circonscrire, c’est faire émerger la forme qui, aussitôt, lui donne un contenu. C’est réaliser l’œuvre d’art. Elle seule est capable de nous révéler le désir qui était en nous en l’apaisant. Il n’en est point autrement de la vérité que cherche le savant nous ne savons ce qu’elle est que quand elle se montre et ce qui pouvait satisfaire notre pensée que quand nous l’avons trouvé. Ainsi nous ne chercherons quelle est l’origine de l’art ni dans l’histoire de l’humanité, ni dans le vouloir de l’artiste ; nous ne chercherons pas non plus quelle est la fonction particulière de la conscience dont l’art est, pour ainsi dire, l’exercice, ni quelle est son essence secrète que l’on devrait pouvoir retrouver pourtant jusque dans sa manifestation la plus humble. Nous ne poserons point à propos de l’art la question de droit. L’art est un grand fait humain. Or, si sa naissance, comme toutes les naissances, plonge dans les ténèbres, dès qu’il se montre à la lumière, il nous apporte une révélation. Et de cette révélation, nous n’aurons jamais achevé de prendre possession. L’artiste utilise des procédés, invente des techniques par lesquelles il tente de capter l’émotion dans une forme matérielle, de manière à en disposer et à la faire surgir à son gré. Mais quelle que soit l’acuité avec laquelle une méthode nous permet d’entrer en contact avec le réel et de le saisir, il y a ici un intervalle infini entre la règle appliquée et l’effet obtenu c’est dans cet intervalle même que l’art vient à éclosion. On le voit bien si on compare l’art à la science qui cherche précisément à abolir cet intervalle, à obtenir, dans l’application, des effets toujours conformes à la règle et que l’on produit à coup sûr. Au contraire, dès qu’elle s’est détachée des mains de l’artiste, son œuvre devient pour lui une réalité à la fois familière et inconnue ou bien il n’en supporte plus la vue, ou bien il la considère d’un regard aussi jeune que le spectateur qui la découvre. Ce qu’elle nous livre à ce moment-là, elle le livre à tous ; le technicien a disparu ou s’il retrouve encore d’une manière trop apparente les moyens dont il s’est servi, c’est qu’il a manqué son but. Non point qu’une sorte d’égalité soit créée alors entre les spectateurs. Celui qui a la conscience la plus ouverte, la plus fine et la plus accueillante a aussi de l’œuvre d’art l’intelligence la plus pénétrante il arrive qu’il instruise l’artiste lui-même non point seulement sur ce qu’il a fait, mais sur ce qu’il a voulu, presque à son insu. Car on ne peut juger d’un esprit sur la pensée qu’il a lui-même, mais sur les actes auxquels elle le conduit, ni sur ses desseins, mais sur leur fruit. Voici donc l’art devant nous, réduit à n’être plus pour nous qu’un pur témoignage auquel nous allons demander non point quel est son sens, mais quel sens il donne à cette réalité qu’il représente et qui par lui se trouve toujours toutes les créations de l’esprit humain l’art possède en effet une situation exceptionnelle. Si nous acceptons de le considérer dans ses sommets, il donne à la conscience une satisfaction gratuite et parfaite qui surpasse son attente et même son espérance. Il met en mouvement toutes ses puissances intérieures mais celles-ci, au lieu de s’opposer les unes aux autres, se répondent, se soutiennent et s’unifient. Il devance en nous le désir ce désir, il va l’éveiller au fond de nous-même, il le découvre et il le suscite. Mais en même temps, il l’apaise et le comble. Dans l’émotion esthétique, le désir et l’objet du désir sont donnés à la fois, ils ne cessent de se répondre dans une oscillation ininterrompue ; mais, tandis que, dans la vie de tous les jours, je ne rencontre aucun objet qui puisse égaler, semble-t-il, ma puissance de désirer, ici les rapports se trouvent tout à coup renversés. Le désirable est antérieur au désir. Et je crains qu’il n’y ait jamais en moi assez de désir pour actualiser et posséder tout ce désirable. Il y a plus, le propre du désir c’est toujours de me montrer 1’insuffisance du réel et de me porter au-delà. Mais ici tout au contraire c’est le réel que nous avons sous les yeux qui ne cesse de nourrir le désir sans que celui-ci parvienne à l’épuiser. Pour cela il n’a fallu que cette touche légère de l’activité humaine qui, en transposant le réel dans l’œuvre d’art, lui a donné tout à coup une lumière extraordinaire, un immense arrière-plan, une affinité mystérieuse avec nous. L’art prend naissance au moment où l’hiatus qui sépare le réel de notre esprit se trouve tout à coup aboli, où la contradiction entre le sujet et l’objet, entre l’aspiration et la donnée est surmontée, où une incessante communication se produit entre la conscience et la nature, et qui est telle que chacune ne cesse de fournir à l’autre, toutes deux semblant à la fois recevoir et donner. 3Le monde qui était pour moi un obstacle devient maintenant un chemin ouvert à mon esprit. Les choses cessent de m’être opposées je découvre entre elles et moi une affinité qui est l’objet d’une possession actuelle, mais qui demeure toujours aussi une promesse et une espérance. Le signe de l’émotion esthétique, c’est la joie que je ressens à voir que les choses sont en effet ce qu’elles sont. Je ne crains point qu’elles m’échappent, puisque le propre de l’art c’est de les capter et de m’en donner pour ainsi dire la disposition ; mais je n’ai jamais fini d’en disposer ; je ne crains pas non plus que leur possession s’épuise et me ferme l’avenir. Bien plus, il ne suffit pas que l’émotion esthétique ne cesse de se renouveler et de se régénérer elle-même à mesure qu’elle s’étend et s’approfondit, il faut qu’elle multiplie ces raisons que nous avons de vouloir que les choses soient précisément ce qu’elles sont. Elle nous permet de donner ainsi au temps sa véritable signification car il ne nous retire rien de ce que nous avions et s’il nous engage dans l’avenir, c’est seulement pour nous montrer la plénitude infinie d’une valeur que nous avons pourtant sous les yeux. A cet égard, la beauté dépasse à la fois la vérité et la moralité la vérité, qui, si elle me donne la joie de la connaître, ne me donne pas celle de la vouloir puisque je n’agis jamais que pour la changer, et la moralité qui réside seulement dans l’effort et le mérite et ne m’apporte jamais un objet que je puisse embrasser ni posséder. La beauté est une cime vers laquelle convergent à la fois la vérité, dès que je puis la connaître et la vouloir tout ensemble, et la moralité, dès que l’action qu’elle m’oblige à accomplir atteint un dernier point où elle suscite la contemplation et coïncide avec comprend donc bien pourquoi l’art n’est pas à proprement parler un problème proposé à notre réflexion ce qui paraît évident si l’on considère que toute réflexion sur l’art obscurcit sa nature au lieu de 1’éclairer, dissout sa fine essence et transpose sur un terrain différent où l’intelligence interroge encore le réel, la réponse même que l’art vient de lui fournir ce qu’il nous montre en effet, c’est comment l’esprit parvient à pénétrer le réel, à se le rendre présent, à lui reconnaître une signification en découvrant en lui la réalisation de ses vœux. Mais c’est la conscience de l’artiste, elle, qui est un problème vivant elle mesure la distance qui sépare ce qui lui est donné de ce qu’elle désire ; elle ignore ce qu’elle désire, puisqu’elle cherche précisément à se le représenter et, chose admirable, il suffit qu’elle le représente pour l’obtenir. C’est comme une sollicitation adressée sans cesse au réel qui tout à coup le lui livre. Ainsi, l’œuvre d’art est toujours une solution c’est cette solution que nous cherchons en elle. C’est pour la mieux comprendre que nous remontons jusqu’au problème qu’elle suppose sans oublier que la solution pour nous devance ici le problème. C’est donc en méditant sur l’art comme solution, et non point comme problème, que nous discernons sa véritable nature. Ou plutôt, c’est la solution qui nous découvre le problème. Au-delà même de nos aspirations esthétiques l’art nous montre comment, si l’esprit s’identifie toujours avec une question que nous posons sur le réel, cette question peut être satisfaite par une réponse qui nous en donne la d’abord on peut dire que le propre de l’art, c’est de nous découvrir la présence au réel. Et sans doute cette assertion peut surprendre, puisque le réel est devant nous et que l’art refuse, semble-t-il, de s’en contenter, soit qu’il cherche seulement à le reproduire, mais sur un autre plan et avec des moyens qui lui appartiennent, soit qu’il entreprenne de l’idéaliser. Cependant l’appréhension du réel n’est pas aussi simple ni aussi immédiate qu’on pourrait le penser ; et si nous comparons la manière dont il s’offre d’emblée au regard avec la représentation que l’art nous en donne, nous verrons que la vocation de l’art est précisément de nous en apporter la révélation. En effet, le réel, c’est d’abord un spectacle familier et changeant qui s’étend autour de nous, que nous retrouvons chaque jour et qui donne un point d’appui à nos pas et un but à nos mouvements, qui présente juste assez de constance pour ne point nous ôter toute sécurité et juste assez de mobilité pour réveiller en nous les puissances de la vie et les obliger à tout instant à s’exercer. Mais peut-on dire que dans ce spectacle le réel se montre à nous véritablement ? Y a-t-il en nous une attention, un intérêt, qui, en s’attachant à lui, nous en donnent une image pure ? Que lui demandons-nous sinon de fournir un chemin à notre activité et un aliment à nos besoins ? En lui-même le réel n’a encore pour nous ni valeur ni signification. Nous ne le rencontrons qu’au terme d’une action à laquelle il fournit soit un obstacle, soit un véhicule. Nous ne cessons de l’interroger mais afin de reconnaître ce qu’il recèle en lui qui peut nous servir ou nous nuire. Nous n’envisageons jamais le réel que dans son rapport, non pas seulement avec nous, mais avec notre utilité. Dès lors, en devenant pour nous un moyen, il nous dérobe pour ainsi dire son vrai visage. Il se plie à une fin qui lui est étrangère et nous ne retenons de lui que les indices qui nous permettront de l’atteindre. Dès que ces indices ont été reconnus, nous cessons en quelque sorte de le voir. Ainsi, soit qu’il ne puisse nous servir, soit que l’usage que nous en faisons devienne trop assuré, il s’enveloppe peu à peu dans les voiles de l’habitude derrière eux nous soupçonnons sa présence, mais sans être capables de la réaliser. 5L’art déchire ce voile. Il abolit tous les écrans entre le réel et nous. Il interrompt toutes ces réactions trop connues que le réel suscite en nous et qui le dissimulent. Il traverse toute l’épaisseur des représentations acquises. Il nous oblige à retrouver avec les choses un contact absolu. Il abolit en elles l’utilité, dissipe toutes les arrière-pensées par lesquelles nous les rapportons à quelque terme de comparaison situé en dehors d’elles ; il serait même plus vrai de dire, comme on le fait parfois, qu’il en fait un terme de comparaison pour tout le reste, si ce n’était par là diviser encore une pensée qu’elles doivent retenir tout entière et qui trouve dans leur contemplation un mouvement qui lui suffit. Ainsi, l’art restitue aux choses leur état de choses il nous les découvre ; il leur donne une sorte de présence pure que jusque là nous n’avions pas soupçonnée. Il nous oblige à les regarder, à les apercevoir telles que nous les verrions la première fois, si notre regard était assez pénétrant et assez lucide. Il rend au regard sa parfaite jeunesse, à l’atmosphère qui enveloppe le réel une transparence presque surnaturelle. On le voit dans 1’effort par lequel l’artiste, préoccupé d’oublier tout son passé, tout son savoir, cherche seulement à scruter le réel afin de le tenir à la disposition tout à la fois de l’œil et de la main les ressources de la technique la plus habile n’ont point d’autre fin que d’obtenir cette double coïncidence et de disparaître au moment où elle se réalise. Mais le spectacle du monde perd alors sa familiarité anonyme pour acquérir une familiarité intime et personnelle, comme les choses qui n’étaient pour nous qu’un objet d’usage dont nous nous sommes longtemps servi sans les avoir remarquées et qui, quand nous les retrouvons après les avoir perdues de vue, acquièrent tout à coup un relief vivant et mobilité des différents aspects du réel nous empêchait aussi de leur appliquer une attention assez sérieuse habitués à les voir apparaître et disparaître, nous ne posions sur elles qu’une pensée d’un moment qui s’était déjà retirée d’elles avant qu’elles fussent évanouies. L’art, par l’immobilité qu’il leur donne, ou par la possibilité qu’il nous donne de recommencer toujours un mouvement aboli, nous introduit dans cette présence constante, indépendante à la fois du temps et du besoin, qui est toujours de niveau avec un esprit présent à lui-même et qui est prête à répondre sans cesse à ses moindres sollicitations. L’art suscite donc en nous une attention si pleine et si docile qu’il nous montre comme véritablement présente une réalité qui était toujours devant nous, mais que nous n’avions jamais vue il oblige la conscience à s’en emparer, à en réaliser une perception actuelle qui fait saillie sur toutes nos perceptions habituelles toujours un peu amorties ou effacées, soit par le souvenir de celles que nous avons déjà eues et qui les recouvrent, soit par les signes de quelque événement plus lointain que nous recherchons en elles et qui nous en détournent. Le propre de l’artiste, c’est donc d’être un médiateur entre le réel et nous il suffit de songer soit au peintre de paysage, soit au peintre de portrait qui nous donnent de l’horizon le plus commun, du visage que nous croyons le mieux connaître une présentation si profonde et en même temps si inattendue, pour nous apercevoir que cette vision personnelle qu’ils nous apportent change la nôtre et nous contraint, pour ainsi dire, à découvrir, à travers les choses qu’ils n’ont rencontrées souvent qu’une fois, celles mêmes que nous n’avions peut-être jamais cette présence des choses, l’émotion esthétique ne suffit-elle pas à nous la donner sans le secours de l’art ? Pourquoi faut-il encore que l’art intervienne pour en être l’interprète ? On comprend bien que l’artiste, dès qu’il atteint une appréhension si exceptionnelle du réel, songe à la fixer de manière à nous la communiquer et par conséquent à nous permettre de la réaliser à notre tour. Mais est-ce là l’unique signification de la création artistique ? N’a-t-elle pour rôle que de capter et de transmettre cette perception attentive et désintéressée qui nous livre les choses elles-mêmes, par delà l’habitude ou l’usage ? Nul artiste ne consentirait sans doute à le dire. Car il sent bien que le propre de l’art n’est pas seulement de traduire une perception qu’il a déjà, mais encore de la rendre possible et pour ainsi dire de la produire. Il n’y a point de perception directe, engagée dans notre vie quotidienne, qui puisse affecter le caractère d’une contemplation pure elle est pour cela trop chargée de matière, en relation trop immédiate avec notre corps, avec l’espace et le temps où se déploient nos désirs, elle est trop résistante et trop fragile à la fois, trop pleine pour nous de menaces ou de promesses ; elle est mêlée à toutes les conjonctures de notre vie pratique. Elle fait partie de ce monde temporel où nous avons toujours quelque intérêt plus ou moins pressant, ou nous ne cessons d’attendre, de désirer, de craindre, de risquer, de nous défendre, et qui ne devient jamais tout à fait un spectacle pour nous. C’est cette transformation de l’univers en spectacle que l’art réalise. Il faut que ce spectacle soit inutile pour qu’il ne soit plus que contemplé. Non pas que dans cette contemplation la volonté soit absente, puisqu’au contraire nous avons affaire alors à cette volonté dépouillée qui veut, comme nous l’avons dit, que les choses soient précisément ce qu’elles sont, et non pas à cette volonté de convoitise qui pense toujours au profit qu’elle en pourra tirer. L’originalité de l’art, c’est précisément de créer ce spectacle inutile qui oblige l’esprit à se purifier de toute pensée égoïste pour appliquer aux choses une pensée qui ne voit qu’elles et qui aussitôt les fait surgir devant nous. 7De là le rôle mystérieux joué par l’imitation qui a été si discutée, autour de laquelle on voit sans cesse renaître le conflit de l’idéalisme et du réalisme, dont on ne peut pas dire qu’elle épuise tout le secret de la création artistique, mais qui nous permet cependant d’en comprendre l’essence. Et il n’y a sans doute aucun art qui n’ait recours à l’imitation, au moins dans une certaine mesure, mais sans que les arts qui paraissent fondés sur elle laissent pourtant une moindre place à l’invention que les autres. 8Peut-être n’y a-t-il point d’imitation, comme on le voit dans ses manifestations les plus spontanées et les plus irréfléchies, qui ne possède déjà un caractère esthétique. C’est qu’elle vide l’objet de sa signification pratique et ne laisse plus subsister que sa forme. Aussi comprend-on que l’on puisse tantôt être très sévère pour elle et affirmer qu’elle est toujours servile et tarit le génie créateur, et tantôt la considérer avec assez de faveur pour prétendre que c’est quand elle montre le plus de probité et de fidélité que l’art atteint lui-même la perfection la plus haute. Pourtant la vertu esthétique de l’imitation n’est pas où on la met en général elle ne réside pas dans l’emploi de certains moyens techniques qui nous permettent de réduire l’art à une activité spécialisée par laquelle nous disposons du réel avec plus ou moins de science ou d’habileté. Non point que cette activité puisse être négligée ; seulement elle ne vaut pas par elle-même mais par le rôle qu’elle est destinée à remplir. Car ce rôle, c’est de rendre possible une transposition du réel du domaine de l’utilité dans un domaine différent où l’esprit se donne des règles afin d’en faire un objet de contemplation pure. L’art réside dans cette transposition elle-même. Les règles auxquelles il s’assujettit pour la produire n’ont point, comme on le croit, de signification esthétique par elles-mêmes, mais seulement parce qu’elles assurent la possibilité de cette imitation par transposition » qui substitue à l’image de la réalité la réalité d’une image, et convertit un objet qui avait des rapports avec notre corps en un autre objet qui n’en a plus qu’avec notre esprit. C’est cette transmutation, cette transfiguration qui en donnant aux choses une sorte de présence absolue, les revêt aussitôt d’un caractère esthétique. Ce qui suffit pour expliquer trois choses d’abord pourquoi, comme on 1’a remarqué souvent, les choses qui sont dans la nature ne produisent en nous une émotion esthétique que si nous réussissons par l’imagination à en faire pour ainsi dire des tableaux, ensuite pourquoi aucune d’entre elles, contrairement à un préjugé idéaliste, ne possède de privilège esthétique, de telle sorte que la plus humble d’entre elles peut se changer en une œuvre d’art si l’imitation parvient à isoler sa représentation de tout usage servile ; enfin pourquoi l’imitation exclut elle-même toute répétition, puisqu’elle doit nous donner la réalité même de la chose dans son unité concrète et sensible et que pour l’imiter deux fois, il faut nécessairement la recréer deux fois. 9Aussi, personne n’a vu plus profondément l’essence même de l’art que Pascal dans le mot si célèbre et pourtant si cruel Quelle vanité que la peinture qui attire l’admiration par la ressemblance des choses dont on n’admire point les originaux !On ne cherchera point à la réfuter et même on lui donnera les mains, mais on montrera que si nous admirons cette ressemblance, c’est précisément parce qu’elle dépouille l’original de ce qu’il y avait en lui de momentané et d’utilitaire et qui nous empêchait de le voir ; elle nous apprend à l’admirer en nous apprenant précisément ce qu’il comprend donc bien pourquoi l’art a toujours paru une sorte de prestige et même de miracle. Car il donne une valeur à des choses qui par elles-mêmes semblaient n’en avoir aucune. Or cette valeur semble produite par l’action grâce à laquelle nous parvenons à les figurer. Ce qui nous conduit à nous demander si l’art n’aurait pas son origine dans le pouvoir créateur de l’esprit plutôt que dans son pouvoir contemplatif. L’œuvre d’art que nous avons sous les yeux accumule en elle toutes les actions qu’il a fallu accomplir pour la créer et le propre de la contemplation c’est seulement, en nous les donnant toutes à la fois, de nous permettre de les retrouver et de les accomplir encore par l’imagination. L’art alors, comme la poésie, résiderait dans une activité inventive et créatrice par laquelle nous remonterions jusqu’à cette source même où les choses prennent naissance il nous les montrerait dans la puissance même qui leur permet d’éclore. Ainsi s’expliquerait ce rajeunissement, ce renouvellement que l’art imprime à toutes choses, aux plus banales, aux plus usées. Il semble les faire sortir des mains de l’artiste telles qu’elles sont sorties des mains du créateur. De là les interprétations différentes que l’on a pu donner de l’activité artistique elle-même, soit qu’on la considère comme étant l’activité propre de l’homme qui introduit la beauté dans le monde au moment où il le fait pénétrer dans une forme qu’il a conçue soit qu’on la considère comme une activité qui dépasse la nôtre et qui, issue des ténèbres de l’inconscient, nous oblige à retrouver dans le réel l’appel d’une vie profonde presque toujours masquée par l’expérience quotidienne, soit que l’on imagine une parenté entre l’activité par laquelle les choses se font et l’activité par laquelle nous les percevons, de telle sorte que, pour en prendre possession, nous soyons amenés à en retrouver les différentes formes, à les figurer et à les multiplier. Le caractère original de l’art, ce serait alors de nous obliger à réinventer le monde, de nous associer à ce mouvement qui ne cesse de le produire et de l’animer et qu’il est libre encore de prolonger et d’infléchir d’une infinité de manières. 11Il ne peut pas être question de contester cet élément d’invention et de création sans lequel l’art ne produirait rien. Et même il n’y a point de vue qui semble pénétrer plus avant dans l’essence même de l’art que celle qui essaie de l’atteindre dans l’acte même qui le fait être bien plus, il y a une relation fort étroite entre le caractère par lequel nous avons essayé de définir l’art et qui est de donner aux choses une présence toute neuve et celui qui nous permet de les considérer dans cette démarche créatrice qui les rend sans cesse naissantes. Pourtant il faut considérer qu’une démarche inventive n’a point par elle-même une valeur esthétique, que l’on ne peut attribuer aux créations de la science, de la technique, ou même de la moralité que par une extension des termes qui est peut-être abusive. L’important en effet, c’est que cette création soit celle d’un spectacle qui puisse être contemplé. Or cela n’est possible précisément que si ce spectacle est l’objet privilégié de notre création, ce qui ne peut arriver que si nous nous préoccupons non point de produire des effets qui puissent prendre place dans le monde et en changer pour ainsi dire la nature, mais de produire un nouvel aspect de la réalité, libre de tout intérêt et qui nous permette de la saisir en elle-même, abstraction faite du parti que nous songeons à en tirer. De telle sorte qu’ici l’action, malgré les apparences, n’est jamais qu’un moyen au service de la contemplation, alors que partout ailleurs l’action créatrice vaut par son efficacité même, ce que nous pourrions exprimer – à condition de détourner un peu les mots de l’acception que leur avait donnée Aristote – en disant que l’action de l’artiste est proprement poétique, mais qu’elle n’est jamais y a plus si l’art nous paraît résider avant tout dans une création, ce n’est pas parce qu’il ajoute au monde réel un autre monde où notre imagination et notre sensibilité trouvent une satisfaction plus parfaite, c’est parce qu’il donne au monde réel un caractère de nouveauté, c’est parce qu’il nous oblige enfin à le percevoir, c’est qu’il nous le montre tel qu’il était toujours sans que nous l’ayons jamais su. Il est bien vrai qu’il surgit alors dans notre représentation comme si c’était nous qui le produisions. Pourtant, il y a toujours dans la création au moment où elle sort elle-même du néant et des ténèbres, le mystère et l’effort d’un arrachement. L’émotion qui l’accompagne est d’un autre ordre que l’émotion esthétique elle est plus violente et plus trouble. Mais l’émotion esthétique accompagne le créé ; il y a en elle une possession plus tranquille et plus apaisée. Elle ne naît du jeu des passions que quand, à l’intérieur de ce jeu lui-même, viennent s’introduire l’harmonie et la sécurité. Mais alors, le caractère de nouveauté inséparable de l’œuvre d’art change de sens loin d’exprimer cet accès dans l’être d’une forme d’existence jusque là inconnue, loin de traduire cette mobilité infinie qui empêche l’humanité de remettre jamais ses pas dans les traces de ses anciens pas, elle serait le signe au contraire d’un retour vers une réalité que nous n’avions pas quittée mais avec laquelle nous avions perdu contact et que nous retrouvons tout à coup avec une sorte d’émerveillement. L’art, c’est le monde reconnu ; c’est le même monde que celui où nous avons toujours vécu, mais qui cesse de nous être étranger, qui répond à toutes les puissances de notre âme et coïncide avec leur exercice. C’est pour cela qu’il est toujours nouveau, non pas de cette nouveauté instable et, inquiète qui ne nous donne qu’un ébranlement de surface, mais de cette nouveauté si claire et si profonde que revêt à chaque fois notre propre maison quand nous en avons vécu longtemps séparé et que le moindre objet qu’elle contient acquiert pour nous plus de profondeur et plus d’éclat que tous les trésors de la fable. Ainsi l’art n’invente rien ; il nous montre dans la moindre parcelle de ce qui nous est donné une richesse qui suffit à nous combler. Il introduit dans le temps lui-même la dimension de l’éternité ; c’est elle qui donne à chaque objet, dès que l’art l’a touché, une inaltérable nouveauté. Ainsi, quels que soient les efforts d’invention et de création de l’artiste pour dépasser le monde qu’il a sous les yeux et nous faire pénétrer dans un monde qui est son ouvrage, ces efforts n’aboutissent que s’ils produisent un spectacle dans lequel nous retrouvons le réel qui jusque là nous avait toujours échappé, de telle sorte que toute invention doit venir se résoudre dans la découverte même de ce qui est, et toute création, dans la présence du réel qui tout à coup nous est lors, tout le mystère pour nous est de savoir pourquoi nous ne pouvons prendre possession des choses qu’à travers cette apparence que nous créons et qui semble pourtant nous en éloigner. C’est le moment maintenant de réaliser la synthèse de ces deux caractères qui sont indissolublement unis dans l’art à savoir qu’il détache le spectacle du réel de toutes ses servitudes, c’est-à-dire de l’habitude et du besoin, et qu’en créant ce spectacle, il lui donne une éternité toujours renaissante. Tout d’abord, nous pouvons dire que le caractère propre de l’art, c’est en effet de produire une apparence ; mais nous donnerons à ce mot son sens le plus fort. C’est dans l’art seulement que le réel nous apparaît, mais pour cela il faut que nous donnions a cette apparence une réalité séparée jusque là le réel nous rassurait par une présence obscure que nous n’avions pas besoin d’actualiser ; l’art, au contraire, nous oblige à le faire. Il isole l’apparence des choses afin de montrer qu’en effet elles nous apparaissent. Mais il y a plus, les choses ne nous sont jamais présentes par elles-mêmes pour qu’elles le deviennent, il faut que nous nous les rendions nous-mêmes présentes. Et même on peut dire qu’il n’y a pas d’autre présence que la présence de l’esprit. à lui-même. Cette présence se réalise par une activité qu’il dépend de lui d’exercer. C’est par elle que la réalité nous deviendra présente à son tour. Mais il y faut l’attention la plus désintéressée et la plus pure. Et nous savons à quel point l’activité de l’esprit est vacillante et prompte à fléchir ; elle se repose sur l’objet, dès qu’elle croit l’avoir rencontré et cesse d’y appliquer son effort. Elle le perd presque aussitôt qu’elle l’a trouvé. Or, rien ne peut être présent pour nous que dans l’acte même par lequel nous réalisons cette présence. Mais cet acte peut-il demeurer purement intérieur ? Nous consentons à reconnaître que chez certains esprits d’une vigueur singulière, chez tous les hommes dans certaines minutes bienheureuses, chez l’artiste dans ce moment chargé d’une émotion incomparable où la possession et la jouissance du réel ont pour lui tant de plénitude et de perfection que le pinceau lui tombe des mains, la création artistique peut paraître fragile et inutile la présence même du réel nous est livrée alors sans intermédiaire avec une beauté surabondante qui nous ôte la puissance d’agir. Seulement, cette révélation est elle-même rare et évanouissante ; quand elle nous manque, nous cherchons à la susciter et à la produire ; nous cherchons à la maintenir quand elle commence à nous fuir. Nous voulons pouvoir la retrouver nous-même quand nous l’avons perdue, nous voulons la suggérer à ceux qui ne l’ont pas et leur communiquer un bien dont nous les croyons appelés à jouir avec nous. C’est alors que la main vient au secours de l’esprit. Mais il se produit alors un phénomène admirable, c’est que la main ne se contente pas de prolonger l’action de l’esprit, d’immobiliser la vision du réel qu’il nous a donnée de manière à nous en assurer une possession stable et qui nous permet d’en disposer. Il faut dire que la main oblige l’esprit à exercer toutes ses puissances elle réveille son attention et l’invite sans cesse à se tendre ce projet qu’a le peintre de capter le réel sur sa toile comme un spectacle pur ravive son regard, lui donne plus d’acuité et de délicatesse et le contraint à dégager du réel le spectacle même dont l’esprit ne peut prendre possession que dans une sorte de circulation ininterrompue entre l’œil et la main, où chacun d’eux renvoie vers l’autre et l’incite à se dépasser. On peut bien dire du peintre que ce qu’il est capable de voir est la mesure de ce qu’il est capable de peindre. Mais l’inverse est vrai plus qu’on ne le croit, ce qui justifie en partie tous ceux qui veulent réduire l’art à la technique. Ainsi, on ne s’étonnera pas que notre vision du réel s’enrichisse au cours même des efforts que nous faisons pour la fixer à travers les maladresses de l’exécution nous reconnaissons aussi les insuffisances de la vision et tant que l’œuvre n’est pas terminée, nous ne cessons de les dire que dans l’œuvre d’art l’esprit s’est reconnu ; il se donne là le spectacle de lui-même en même temps que le spectacle des choses et la perfection de l’art se trouve atteinte au moment où ces deux spectacles n’en font qu’un. Le jeu de l’émotion esthétique, c’est le jeu de leur coïncidence tour à tour perdue et retrouvée. L’art est le moyen qui permet à l’esprit de se mirer pour ainsi dire dans le réel et c’est pour cela que le réel devient pour lui intelligible, non pas seulement d’une intelligibilité abstraite comme celle de la science qui nous permet de le dominer par une loi, mais de cette intelligibilité sensible par laquelle il devient aussi l’objet de notre vouloir et l’expression de notre vie. C’est en composant le réel que l’art l’appréhende ; mais par là il se rend le réel présent en devenant lui-même présent au cœur du réel, de telle sorte que l’on ne sait plus dire s’il se l’est incorporé ou s’il est incorporé à lui. Car le réel n’est plus pour lui que l’esprit réalisé ce qui permet d’expliquer ce caractère que nous avons reconnu d’abord dans l’œuvre d’art de nous donner une satisfaction qui nous comble car elle est en elle-même finie, achevée, mais elle retient toute l’attention de l’esprit qui ne songe pas à la quitter, à s’en évader, qui ne cesse de circuler en elle, parce qu’elle renouvelle toujours son propre mouvement sans 1’épuiser jamais. C’est dire encore qu’elle enclôt l’infini dans le fini, et par là nous montre comment l’esprit et le réel parviennent à coïncider car le caractère du réel, c’est comme on le voit dans l’objet le plus humble, de donner prise à la multiplicité infinie de visions différentes, mais de les surpasser toutes. Or, le propre de l’art c’est de n’en réaliser qu’une, de nous proposer telle vision particulière que tel artiste en a eue dans telle circonstance et à tel moment. Mais dans cette vision, l’esprit s’est emparé du réel, il nous révèle sa présence qui jusque là nous avait été refusée ; par l’intermédiaire de la vision d’un autre, l’art nous découvre la nôtre et ne cesse de l’enrichir. Bien plus, il produit dans la conscience du spectateur une multiplicité infinie de suggestions différentes qui peuvent toujours aller au-delà de ce que l’artiste a lui-même senti, pensé et voulu. Ainsi, c’est l’œuvre la plus individuelle à la fois par son objet et par le génie de son auteur qui éveille le plus de résonances dans toutes les consciences, c’est-à-dire qui a le plus d’universalité. Et comme le propre d’une esquisse, c’est de nous laisser assez de liberté pour que nous puissions l’achever d’une infinité de manières, le propre du chef-d’œuvre, c’est de s’offrir à la même liberté dans la perfection d’un achèvement qui est bien loin de la borner puisqu’au contraire elle ne parviendra jamais à l’ nous venons d’observer que l’art doit composer le réel pour nous en donner la présence. N’est-ce point de nouveau ramener l’essence de l’art à une démarche inventive et créatrice et subordonner en lui la contemplation à l’action ? Mais peut-être pourrait-on montrer que composer le réel, c’est beaucoup moins être capable de le produire qu’être capable de le percevoir. Ou du moins, nous ne parvenons à le produire que selon les lois qui nous ont permis de le percevoir. Car c’est seulement quand nous avons découvert les lignes de structure du réel que nous sommes capable de le reconstruire faute de quoi notre construction elle-même s’écroulerait. Mais il y a plus ce n’est pas parce qu’il est construit par nous que le réel présente pour nous un caractère esthétique ; c’est parce qu’en le construisant, nous obligeons le regard à découvrir les proportions qui le soutiennent et qui lui permettent de subsister. 14Mais pour cela il serait bon d’étudier les arts qui ne sont point à proprement parler des arts d’imitation comme ceux auxquels nous paraissons avoir attaché jusqu’ici une sorte de privilège et de considérer par exemple l’architecture, la poésie et la musique, c’est-à-dire des arts dans lesquels il ne s’agit pas de nous livrer la présence d’une réalité préexistante, mais de créer une réalité nouvelle par une action qui la devance et qui doit, semble-t-il, expliquer tous ses caractères, en particulier le plaisir esthétique qu’elle nous donne. Ici, on discerne mieux que partout ailleurs le rôle d’une activité intellectuelle et volontaire qui en composant entre eux de purs rapports, donne l’être à des édifices de pierres ou de sons qui n’ont trouvé hors de notre esprit aucune espèce de modèle. Il n’y a point d’arts qui soient plus instructifs pour le philosophe, ni qui lui fournissent un si beau sujet de méditation, puisque dans chacun d’eux nous voyons l’esprit, par son mouvement propre et par les combinaisons qu’il invente, chercher à ébranler la sensibilité et pour ainsi dire à en disposer c’est lui qui calcule et mesure par avance tous les effets qu’il pourra produire en elle. Nous nous trouvons même ici au nœud de tous les problèmes philosophiques, au point où la destinée de l’art fait corps avec celle de l’homme et de la civilisation tout entière, s’il est vrai que la conscience résulte toujours de la rencontre mystérieuse de l’activité et de la passivité en nous et qu’il ne peut point y avoir pour elle de conquête plus haute que celle qui consisterait à ne plus subir d’autre passivité que celle qu’elle s’imposerait par son activité même. Or on ne peut douter que ce ne soit là en effet la fin propre de l’art il est cette exceptionnelle réussite qui nous permet au prix de beaucoup d’efforts, de réconcilier ce que nous voulons avec ce que nous éprouvons. Et c’est pour cela qu’il éclaire notre pensée au lieu d’avoir besoin d’être éclairé par elle. Mais il y a là pourtant un caractère qui est commun à tous les arts et non pas seulement propre à quelques-uns. Car les arts d’imitation mettent en jeu eux aussi une activité réglée par laquelle ils cherchent à atteindre la sensibilité et à l’émouvoir. Seulement, c’est pour nous faire retrouver une présence qui, dans l’architecture et la musique, n’aura été l’objet d’aucune expérience et sera par conséquent une présence produite par l’art lui-même, une présence créée. Ce qui permettrait de considérer ces arts comme plus purs en quelque sorte que tous les autres, puisqu’au lieu de prendre la nature pour soutien, ils ne connaîtraient point d’autre nature que celle dont ils seraient eux-mêmes les lors on pourrait se demander s’il est encore possible de les regarder comme une révélation du réel. En eux, tout dépend du propos et de l’artifice, et la sensibilité se fait juge de l’activité qui a produit tel ouvrage sans s’interroger sur sa puissance évocatrice par rapport à une réalité qui n’a point de ressemblance avec lui. Cependant, une telle opposition nous inspire quelque défiance, d’abord parce qu’il serait onéreux de rompre inutilement la solidarité entre les différents arts, ensuite parce qu’on pourrait alléguer aussi, et on n’a pas manqué de le faire, l’existence d’une peinture pure qui devrait nous apporter une satisfaction indépendante de toute relation avec l’objet qui lui a servi de modèle, enfin, parce que les arts qui paraissent ajouter le plus à la réalité sont ceux qui sont le plus rigoureusement soumis à ses lois. Ce que l’on comprendra facilement si l’on réfléchit que la peinture la plus imparfaite et le plus mauvais dessin réussissent encore à évoquer les délinéaments du réel, et qu’il peut toujours y avoir en eux quelque faux-semblant, au lieu qu’un édifice architectural ou musical qui ne tiendrait pas le compte le plus exact des lois de la pesanteur ou de celles de l’oreille s’écroulerait sans pouvoir être sauvé il peut montrer leur souplesse, ruser avec elles, témoigner que leur action s’exerce encore là où il semble les défier, mais ce sont elles qui assurent la solidité de l’édifice, qui lui donnent du même coup son caractère réel et son caractère esthétique. Et c’est seulement lorsqu’il acquiert un caractère esthétique qu’il nous découvre la présence même de ces proportions qui sont comme le réseau dans lequel la réalité demande à être saisie. Les pierres et les sons ne sont plus ici que des instruments ou des véhicules. La réalité dont ils nous donnent la présence par leur assemblage, c’est celle d’un ordre dont on peut bien dire que l’artiste le produit, mais dont il est plus vrai encore de dire qu’il le découvre et qu’il cherche seulement à le manifester. Voici donc des arts qui, bien qu’ils demandent plus qu’aucun autre à la matière et au sensible, sont cependant les plus abstraits de tous, puisqu’ils ne portent que sur des rapports. Nous saisissons ici l’activité de l’esprit dans son pur exercice dans son pouvoir proprement inventif, dans la faculté qu’elle a d’introduire dans le monde des créations absolument nouvelles. Ce n’est là pourtant qu’une apparence. Ou du moins, nous avons affaire maintenant à une conjugaison subtile de l’esprit et du réel qui fait que l’invention la plus hardie ne fait qu’un avec une découverte obtenue et que la création la plus originale se dénoue en une nécessité contemplée. On peut sur ce point invoquer les témoignages de la conscience qui invente ou qui crée aussi longtemps qu’elle garde encore l’impression d’ajouter au réel, c’est qu’elle ne l’a pas atteint, elle est encore dans la période des essais, elle n’a pas dépassé l’horizon de sa propre subjectivité. Mais les plus grands de tous les artistes savent bien que quand ils trouvent, c’est qu’ils sont allés au delà de l’invention elle-même. Les mots de juste, de pur ou de parfait n’ont de sens que pour évoquer une rencontre du réel que nous n’avions encore qu’approché et qui ne donne à l’esprit tant de sécurité et de certitude que parce qu’il perçoit enfin dans ce qui est la raison même de ce qui le fait voit bien maintenant quel est le caractère de l’art. C’est bien de nous donner la présence même du réel, et par conséquent de nous en apporter la révélation. Mais il ne peut y réussir qu’en le figurant, à la fois parce que c’est ainsi qu’il réussira à le délivrer de toutes ces préoccupations pratiques qui le recouvrent et le dissimulent et par suite à le transformer en un spectacle pur, – et parce que, pour le figurer, l’esprit s’oblige à le composer selon les lois intérieures qui lui permettent de subsister et par là le pénètre et en prend possession. Dans l’art, on peut dire également que le réel devient tout entier transparent pour l’esprit et qu’il n’y a pas un seul de ses éléments qui ne soit un point d’application pour l’une de ses opérations. Alors, le réel devient la véritable patrie de l’esprit. Ce que l’on comprend aisément si l’on songe d’une part que l’art n’a d’existence que pour l’esprit et dans l’esprit, puisque l’objet qui produit en nous l’émotion esthétique la plus vive peut être décrit par un indifférent comme l’objet le plus commun sans que rien lui soit retranché et, d’autre part que, cet objet, dès que l’art s’en retire, se change aussitôt en un obstacle ou en un moyen, c’est-à-dire perd sa réalité propre et ne peut plus être appréhendé comme un simple spectacle. Mais là où est le réel, et là où est notre esprit, c’est là aussi qu’est notre vie véritable. L’art n’est donc pas une évasion. L’artiste le sait bien qui considère la vie commune comme n’ayant point d’autre rôle que de lui permettre l’accès dans un monde plus lumineux où les choses acquièrent leur juste relief et leur véritable valeur il n’a point deux vies séparées car sa vie commune est toute pénétrée par 1’autre qui n’en exprime que la suprême réussite et pour ainsi dire 1’extrême pointe. Comme il n’y a point de lumière sans ombre, l’art forme contraste avec la banalité ou la laideur des événements quotidiens ; mais c’est qu’il est inséparable d’un regard qu’il dépend de nous de diriger, d’une activité qu’il dépend de nous de mettre en œuvre, et pour tout dire d’une responsabilité qu’il dépend de nous d’assumer à l’égard du monde. Alors, il n’y a plus rien de réel dans le monde qui, en nous découvrant sa signification, ne nous découvre aussi sa beauté. C’est au point même où elles nous montrent leur beauté que les choses nous découvrent aussi leur réalité. Et c’est pour cela que l’esprit le plus profond est celui qui voit dans le monde le plus de choses belles. On voit donc combien Platon avait tort de chasser les poètes de la République en leur reprochant d’embellir les choses laides les poètes ne changent l’apparence des choses que parce qu’ils découvrent leur essence secrète. Et s’il est vain de vouloir subordonner l’art à la moralité, nous savons pourtant qu’il existe une beauté morale dans laquelle le bien, cessant d’être une pure intention du vouloir, devient lui aussi une présence manifestée. Notes [1] Ce texte est celui d’une conférence faite en Roumanie et dont la traduction roumaine a été publiée en 1938. Corrigédu sujet l'art sert-il à quelque chose? - Ma Philo .net - Aide personnalisée pour tous vos devoirs de philosophie, réponse à votre dissertation de philo en 1h chrono. Nos professeurs traitent tous les sujets, de tout niveaux, terminale, fac, classe prépa.
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